samedi 15 septembre 2007

Amour quand tu nous tiens !!!

A VIE AU TRAVAIL
Le casse-tête des relations amoureuses au bureau
LE MONDE ECONOMIE 27.08.07 12h56 • Mis à jour le 27.08.07 12h56


Le grand amour se rencontre parfois devant la machine à café. Au même titre que les lieux de vacances ou Internet, l'entreprise est l'un des endroits qui comptent pour les célibataires en quête de l'âme soeur. Dans les années 1980, des chercheurs de l'Institut national d'études démographiques (INED) avaient mis en avant que 12 % des rencontres amoureuses avaient lieu au travail. Un pourcentage qui a toutes les chances d'avoir augmenté depuis. "C'est l'avenir !", résume la sociologue Christine Castelain-Meunier. La féminisation des entreprises, des mariages plus tardifs... autant d'évolutions qui favorisent les rencontres au bureau. "Et lorsque des sociétés, notamment dans l'informatique, embauchent par vagues des jeunes diplômés qui passent plus de dix heures par jour à leur poste de travail, la logique veut que des couples se forment", constate une cadre d'une entreprise de conseil. Auteur de Cupidon au travail (Ed. Eyrolles), Loïck Roche, directeur adjoint de Grenoble Ecole de management, a tenté de quantifier ces liaisons. Selon lui, les salariés auraient, en moyenne, une relation intime avec un collègue tous les sept ans. "C'est un phénomène naturel, assure-t-il. Les échanges dits humains sont aseptisés dans l'entreprise : on ne serre plus les mains, on dialogue par mail, le stress est important. Les relations affectives permettent de reconstruire du vivant."

Pour vivre leur amour sereinement, beaucoup de couples "professionnels", préfèrent rester cachés qu'ils aient noué leur relation au sein de l'entreprise ou avant leur intégration. "La tradition française est basée sur une certaine discrétion, analyse Pierre-Yves Poulain, délégué général de l'Association nationale des DRH. La découverte d'une relation entre deux salariés entraîne, de plus, une évolution des comportements et des modes de perception des autres collaborateurs." Comment un cadre réagira-t-il s'il apprend qu'un de ses collègues vit avec sa supérieure hiérarchique ? "Quoi qu'il arrive, tout événement au bureau concernant un des deux membres du couple sera croisé avec le fait qu'ils ont une relation, relève M. Roche. Mieux vaut donc se montrer discret." Garder un tel secret n'est pas toujours facile. "Au début de notre relation, nous avons tenté de la cacher, indique Alexandre, jeune cadre dans une société de conseil, qui a eu une liaison de deux ans avec une collègue. Cela ne posait pas trop de problèmes car nous ne travaillions pas directement ensemble. En revanche, c'était beaucoup plus pénible lors des soirées entre collaborateurs." Certains collègues étant des amis, l'idylle a été connue de tous en quelques semaines.
Ce n'est pas le genre de nouvelles que les services de ressources humaines accueillent toujours avec le sourire. "Je ne vois pas l'intérêt, pour une société, qu'un couple travaille dans le même service, assure M. Poulain. L'entreprise aura plutôt tendance à éviter ce genre de situation." Certains avantages sont parfois évoqués : une plus grande convivialité, par exemple. "Les entreprises les plus créatives sont celles où les relations intimes sont les plus nombreuses", indique M. Roche dans son ouvrage. Mais un danger majeur demeure : la dégradation des relations du couple. "Le travail risque alors de ne plus se faire correctement, poursuit-il. Comment un directeur qui partage la vie de son assistante va-t-il s'y prendre pour lui donner des directives, alors même qu'il existe de grandes tensions d'ordre privé entre eux ?" Des tensions qui rejaillissent inévitablement sur l'ambiance du service. "C'est compliqué à gérer, confirme Mme Castelain-Meunier. Il y a des zones de tension et de complicité dans un couple avec la volonté d'être reconnu dans son unicité. Lorsque le manager va dire quelque chose à l'un en termes de salaire ou d'estime, il faut qu'il ait l'autre partie du couple en tête."
Les salariés en couple peuvent tirer parti de leur situation. "Dans la course aux postes, deux cadres peuvent s'épauler l'un l'autre, remarque Ivan Béraud, secrétaire national du pôle conseil-publicité de la CFDT. Mais c'est quelque chose d'extérieur à l'entreprise, qui vient perturber sa propre logique de gestion." Pour M. Roche, "l'existence du couple peut donner au chef d'entreprise le sentiment que les forces des deux salariés ne sont pas tendues vers lui, que quelque chose lui échappe". Et ce sous-groupe autonome peut dérouter, en partageant, par exemple, des informations qui ne devraient pas l'être. C'est souvent au nom de la confidentialité des données d'entreprise que des couples font grincer des dents. "Ce sera encore plus vrai dans des secteurs sensibles comme les finances ou la défense", note M. Poulain. Avocate au barreau de Paris, Françoise Felissi estime en outre que "dans des domaines pointus comme les nouvelles technologies, l'employeur peut imaginer que si l'un des deux part à la concurrence, l'autre continuera à l'informer tous les soirs sur les dossiers de l'entreprise".
En France, le couple en entreprise est protégé par la loi. "Les sociétés ne peuvent pas imposer des règles, le code du travail interdit toute discrimination, liée notamment à la vie privée, relève Me Felissi. Et on ne peut décréter, par le biais d'un règlement intérieur, que les salariés n'ont pas le droit d'avoir de relations." Seule procédure faisant exception : un licenciement où il sera démontré que la relation perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Rares sont les sociétés françaises qui s'engagent dans de telles démarches. Concrètement des traditions non écrites sont appliquées dans certains secteurs : cabinets d'avocats ou d'audit. Ancien cadre dans l'informatique, M. Béraud assure avoir connu des entreprises où "se marier impliquait, pour l'un des conjoints, d'être muté dans une filiale. Les salariés le savaient et les choses se passaient relativement bien". A tel point que certains ont vu, dans leur union, l'opportunité rêvée de changer de secteur.
François Giolat
Article paru dans l'édition du 28.08.07.

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